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De semences et de pluie

L’éducation est en crise, l’école est au point mort quand elle n’a plus sa dimension humaine. Mais si, tout à coup, les éléments étaient favorables et la vie fleurissait à nouveau ?

Ken Robinson, qui parle de l’éducation comme lui seul sait le faire, avec une distance critique et des images fortes dignes d’un grand pédagogue, estime qu’il faut laisser les enseignants faire leur travail.

Pour une pédagogie renouvelée : deux ateliers offerts

Marc-André Girard, auteur du Manifeste pour une pédagogie renouvelée, présentera deux ateliers le vendredi 2 juin prochain:

 

Réflexion sur le changement en éducation (9 h à midi )

Pourquoi changer en éducation?

Quelles compétences développer au 21e siècle?

Quelle rétroaction faire en cours d’apprentissage?

Le rôle de l’enseignant en cette période de turbulence.

La mentalité de croissance chez les élèves et chez les enseignants.

Quelle place pour les technologies en éducation?

Quelles sont les futures tendances en éducation?

 

Quelques outils pédagonumériques à considérer (13 h 30 à 16 h 30)

Comment inverser sa classe sans trop se fatiguer ?

Corriger avec l’iPad et organiser ses observations

Rejoindre une communauté d’apprentissage professionnelle

 

Le nombre de place est limité. Vous pouvez vous inscrire en suivant ce lien.

Les apprentissages de demain

Dans un dossier thématique produit par l’UNESCO en 2015, la chercheuse Cynthia Luna Scott propose une analyse approfondie des facteurs qui transforment les contenus enseignés et les méthodes d’enseignement et d’apprentissage. Elle présente également des raisons de redéfinir les contenus d’apprentissage et la pédagogie au XXIe siècle. On peut lire notamment :

«L’éducation doit répondre aussi au besoin de former des citoyens du XXIe siècle en les dotant des compétences que réclame cette époque. Pour prendre des décisions éclairées et contribuer de manière responsable à la vie locale, régionale et nationale en tant qu’électeurs informés et en tant qu’avocats des causes civiques, les jeunes doivent être préparés à intervenir dans toutes sortes de domaines, depuis l’économie et la géopolitique jusqu’à l’évolution culturelle et sociale en passant par les préoccupations environnementales et relatives à la santé. […] De manière générale, l’accent n’est plus sur l’accès [à l’éducation], mais sur une préparation équitable et de qualité à l’apprentissage tout au long de la vie. […] Pour réaliser ce changement, il faut élaborer un programme d’enseignement axé sur l’avenir qui mobilise les jeunes et les dote des connaissances et des compétences indispensables pour relever les défis nouveaux. Cela nécessite des pédagogies efficaces, adaptées à leurs besoins. Prensky souligne que « si nous ne changeons rien à la manière dont les contenus sont enseignés, ni à la teneur de ces contenus, nous ne parviendrons pas à offrir à nos enfants une éducation qui leur donne l’envie de se battre pour aller à l’école plutôt qu’une éducation qui a pour effet de pousser entre un tiers et la moitié d’entre eux à la fuir. »

Le défi est de taille :

«La mondialisation, les nouvelles technologies, les migrations, la concurrence internationale, les marchés en pleine évolution et les défis environnementaux et politiques transnationaux sont autant de facteurs qui dictent les compétences et les connaissances que les élèves doivent acquérir pour survivre et réussir au XXIe siècle.»

Scott, C. L. 2015. Les apprentissages de demain 1 : Pourquoi changer les contenus et les méthodes d’apprentissage au XXIe siècle ? Recherche et prospective en éducation, UNESCO, Paris. [Réflexions Thématiques, N° 13].

Pour une pédagogie renouvelée, active et contemporaine

En mai 2015, un collectif d’enseignants a publié un Manifeste pour une pédagogie renouvelée, active et contemporaine dans lequel ils constatent trois fractures au sein de l’école : le butineur numérique ou le monopole de l’enseignant, la réussite d’une évaluation statique ou le développement de compétences et une société technologique ou une école déconnectée. La question de fond est majeure : «Préparons-nous adéquatement nos élèves à ce qui les attend au cours du prochain demi-siècle?»

Selon ces enseignants, une «pédagogie renouvelée, active et contemporaine» devrait oeuvrer à la facilitation du développement des compétences informationnelles, à la favorisation de la métacognition, à la valorisation de la curiosité, de la créativité, de l’expérimentation et de l’innovation, à l’intégration de différents outils technologiques, à l’encouragement de la collaboration et à la responsabilisation et l’octroi de latitude.

Ils proposent des pistes de solution : s’assurer que la formation des maitres soit en adéquation avec les attentes et les besoins du milieu, assurer une bilatéralité entre les milieux universitaires et scolaires, établir une structure encourageant la formation continue et le réseautage, varier les outils et les approches et encourager le leadership.

Les signataires Marc-André Girard (instigateur du projet), Sylvain Bérubé, Marie-Andrée Croteau, Jocelyn Dagenais, Josée Desbiens, Marie-Claude Gauthier, Catherine Lapointe, Audrey Miller et Anick Sirard concluent :

Nous souhaitons que nos collègues, peu importe leur niveau d’intervention auprès des élèves, modernisent leurs pratiques, qu’ils embrassent certains outils didactiques et qu’ils diversifient leurs approches. Nous sommes conscients qu’il faille lutter contre une tradition et une culture scolaire qui tardent à prendre ce virage, mais nous insistons sur l’importance de l’ouverture du personnel scolaire. Ne l’oublions pas : un seul acquis permet de définir l’éducation, et c’est effectivement le changement! Ainsi, l’école n’est pas un havre à l’épreuve du changement: elle en est l’incubateur!

L’éducation est la fondation de tout système démocratique. Elle doit être animée par une vision rassembleuse et ambitieuse sous-tendant un véritable projet de société qui dépasse largement les opérations comptables et les exercices financiers à court terme. L’éducation, c’est un immense investissement dans la jeunesse actuelle dans le but d’assurer le futur d’une société entière.

Une entrevue avec Marc-André Girard est disponible ici.

L’école à l’examen (8/8)

Décrochage scolaire, formation des enseignants, besoins éducatifs de la société québécoise : le quotidien Le Devoir se penche sur ces questions dans une série de 8 textes intitulée L’école à l’examen, publiée du 23 novembre au 1er décembre 2016.

Le dossier s’ouvre avec le professeur Claude Lessard, ex-président du Conseil supérieur de l’éducation dans une entrevue intitulée «Notre système ressemble à un gros millefeuille», dont voici un extrait :

«Comme ministre, je ferais donc de la réduction des écarts de qualité entre les écoles ma priorité, et je chercherais des moyens efficaces pour augmenter la mixité sociale et scolaire. […] J’articulerais aussi à cette priorité une stratégie d’alphabétisation des adultes, car ces adultes ont des enfants… […] Si l’éducation demeure le meilleur investissement que peut faire une société dans son avenir, au-delà du niveau de ressources nécessaires, il y a aussi leur allocation aux bonnes priorités, ainsi que l’organisation du travail des professionnels de l’éducation qui sont importantes. […] Je propose que l’on explore la possibilité de mettre sur pied au cégep un programme préuniversitaire de culture générale pour les futurs enseignants ; je n’en ferais pas la seule voie d’accès à la formation des maîtres universitaires, mais je l’offrirais à celles et ceux qui voudraient élargir leur culture générale avant de commencer une formation universitaire spécialisée. Cela serait utile, notamment mais pas exclusivement, pour les futurs enseignants du primaire. À l’université, j’offrirais des baccalauréats bidisciplinaires de trois ans, complétés par une maîtrise professionnelle de 45 crédits et pouvant être réussie en un an à temps plein, construite en étroite collaboration avec les commissions scolaires et essentiellement vécue sur le mode de l’alternance. […] Je m’assurerais à toutes les étapes de ce continuum — fin du cégep, fin du baccalauréat et fin de la maîtrise — que les futurs enseignants maîtrisent à l’oral comme à l’écrit la langue d’enseignement. N’oublions pas qu’un enseignant parle constamment en classe ; son efficacité pédagogique est liée à la qualité de la langue qu’il utilise en classe. Ces exigences relevées vont de pair avec une rémunération et une autonomie professionnelles plus grandes. La qualité des maîtres est la variable la plus importante en éducation. Plus ils seront compétents, moins on aura à se soucier de systèmes, de dispositifs et de programmes pour les surveiller et pour réguler leur enseignement.»

Le deuxième article, intitulé «Les réformes, je n’en peux plus», exprime le point de vue de madame Françoise Marton Marceau, ex-directrice d’école. On peut y lire ceci :

«Je favoriserais une vraie autonomie des écoles, y compris pour l’embauche des enseignants par la direction et les conseils d’établissement. Il faut hausser les salaires des enseignants. Ils sont sous-payés. Et si on donne de l’autonomie aux écoles, elles devraient être mieux gérables. […] En plus, j’abolirais tous les examens d’entrée à toutes les écoles, publiques ou privées. Je réserverais les examens d’évaluation pour les fins de parcours du primaire et du secondaire. […] Et puis, j’accorderais une attention à l’architecture des écoles et à l’aménagement des classes. Il est important que les enfants soient plus en contact avec la nature et qu’ils évoluent dans des classes mieux adaptées aux nouvelles pratiques pédagogiques. […] Je pense surtout qu’il devient essentiel de développer une sélection autour des habiletés à avoir comme enseignant. Il faut par exemple examiner la capacité créatrice, mais aussi les habiletés à communiquer, à travailler en équipe, à être empathique. […] Je favorise une année complète auprès d’un mentor. Je crois beaucoup au mentorat dans mon métier. Je mentionne un dernier point de la formation qui concerne la culture et l’ouverture à la culture. […] Mais d’après moi, on ne peut réduire les problèmes du système au seul manque de ressources. Il y a aussi le manque de temps pour réfléchir collectivement sur l’école. Il faut donner du temps aux enseignants, aux professionnels, aux directions pour réfléchir ensemble à ce qu’ils font ensemble. Une école n’est valable que si elle demeure cohérente dans son système.»

Le troisième texte intitulé «On emploie des enseignants, pas des robots» est une entrevue avec madame Margarida Romero, spécialiste de l’intégration des technologies en éducation. Elle déclare :

«[Il faudrait] donner le goût et de développer la culture de l’innovation à l’ensemble des acteurs éducatifs. […] Il faut aimer innover, changer la recette, faire des essais, collaborer avec d’autres personnes, s’enrichir par du réseautage, s’ouvrir pour pouvoir intégrer les aspects de nouveautés. […] Il faut repenser l’école pour que les enseignants, les parents puissent développer des projets qui fassent sens dans leur contexte. Qui soient pertinents et propres à chaque école. Que chacun ait le goût d’innover en tenant compte de sa communauté et ses spécificités. […] Je pense qu’il faut redonner, à un niveau plus local, l’occasion d’aller beaucoup plus loin dans leurs idées, dans leurs projets et aussi dans la diversité. […] Les journées pédagogiques, c’est quelque chose qui n’existe pas ailleurs. Il y a des enseignants qui ne prennent pas ça assez au sérieux et ne les utilisent pas à leur juste valeur. Il y a plein, plein de ressources. [La formation des maitres] est encore dans une approche trop disciplinaire. On forme d’une manière trop traditionnelle. Ça fait en sorte que le goût pour l’innovation n’est pas assez développé chez les enseignants. […] Il faut leur dire que ce n’était que l’épisode initial, que maintenant, on espère qu’ils continuent à se former.»

La série se poursuit avec une entrevue tenue avec avec Michelle Sarrazin, directrice des services pédagogiques au Collège Jean-Eudes, dans ce quatrième texte intitulé Les examens «responsables d’une bonne partie du décrochage scolaire» :

«Développer des méthodes de travail efficaces, exercer son jugement critique, coopérer, communiquer de façon appropriée, mettre en oeuvre sa pensée créatrice, résoudre des problèmes et exploiter les technologies de l’information et de la communication : voilà nos véritables compétences transversales ! […] Sans l’ombre d’un doute, il faudra, par exemple, donner les moyens aux écoles de faire le virage numérique, qui ouvre l’esprit des jeunes à toutes les possibilités, qui les met en action et qui leur donne prise sur le monde, sur leur monde. Surtout, il faut accompagner les directions d’école et les enseignants pour qu’ils s’engagent, résolument, dans leur formation continue, qu’ils soient toujours à la fine pointe de la recherche en éducation, des nouvelles approches pédagogiques, des nouveaux outils à leur disposition. […] Ce qu’il faut, surtout, c’est se donner les moyens d’attirer les meilleurs candidats aux postes d’enseignement : des jeunes gens cultivés, curieux, articulés… Et faire la sélection à la base, comme pour les médecins ! Après tout, les enseignants contribuent à former les esprits ! Et devant tous les défis éthiques, philosophiques, politiques, scientifiques et autres qui attendent l’humanité, nous aurons besoin des meilleurs ! Il faut redonner à l’éducation la place qui lui revient.»

Le cinquième texte est une entrevue avec Normand Baillargeon intitulée «Je ne peux m’empêcher de rappeler le travail de la commission Parent», dont voici un extrait :

«Sans hésiter, ce serait de mettre sur pied ce que j’appellerais une commission Parent 2.0. […] Son mandat serait d’abord de combler cette carence conceptuelle, je veux dire philosophique et normative, qui est la nôtre 50 ans après Parent et après le détournement des États généraux du milieu des années 90. Pour cela, il lui reviendrait d’abord de préciser ce que collectivement nous entendons être l’éducation et les fins qu’elle doit servir. Son mandat serait ensuite de dresser un état des lieux à la lumière de ces finalités. […] Le fait que notre système d’éducation se soit voulu public, une réalité qui est aujourd’hui menacée, est sans aucun doute à préserver et à enrichir. De même, partout où il subsiste, cet idéal d’éducation entendu comme mise en contact avec des savoirs fondamentaux dans le but de rendre une personne autonome et de la préparer à l’exercice d’une véritable citoyenneté par laquelle chacun est un gouvernant en puissance, cela aussi me semble un autre acquis crucial et à préserver. Mais il est lui aussi menacé, à preuve ces attaques contre la formation générale au cégep et, plus généralement, une certaine tendance à l’instrumentalisation de l’éducation. Sur le plan des institutions léguées par Parent, les cégeps et les universités du Québec me semblent, eux aussi, des acquis infiniment précieux. […] [Enseigner] n’est pas seulement un métier ou une profession : c’est une vocation la plus noble qui soit, ceci en raison de la forte portée normative de cette activité. Nous devons aux personnes qui l’exerceront une formation de la plus haute qualité qui soit, avant de leur devoir une reconnaissance collective à la hauteur de leur tâche, laquelle s’exprimera aussi par des conditions de travail enviables. […] Mais ce souhait, comme les autres que j’exprime ici et à commencer par celui d’une commission Parent 2.0, rien de tout cela ne sera possible sans une forte demande du public.»

L’article suivant, le sixième, est une entrevue avec le sociogéographe Michel Perron, de l’UQAR, qui est aussi membre fondateur du Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaire du Québec. Le texte a pour titre «Le Québec a besoin d’une véritable politique nationale en éducation». Voici des extraits :

«Les deux mots qui seraient au coeur de mon discours, ce serait territoire et conditions de vie des élèves. Un virage doit être pris pour que le système d’éducation soit moins bureaucratique et plus adapté, mais surtout plus adaptable aux réalités territoriales. Le Québec, c’est un immense territoire avec des fractures sociales, économiques, culturelles et territoriales dont on ne tient pas beaucoup compte en éducation. Les besoins diffèrent d’une région à l’autre, mais également d’un quartier à l’autre, surtout dans les milieux urbains. De ce mandat principal, je ferais deux chantiers : d’abord revoir le mode d’allocation des ressources pour tenir compte des réalités de terrain comme on le fait dans le domaine de la santé par exemple, et  donner plus de pouvoir aux écoles et plus d’autonomie aux chefs d’établissements. Il faut mettre fin à la vision électoraliste et à court terme que nous avons depuis vingt ans. Depuis 1996, je crois que j’ai rencontré les 19 ministres de l’Éducation qui se sont succédé. Le Québec a besoin d’une véritable politique nationale en éducation. Je comprends que ce que le ministre fait, c’est un pas dans la bonne direction [mais] il faut que ça s’inscrive dans une démarche plus large. Avec le groupe d’action sur la persévérance scolaire, on travaille justement à lancer une politique nationale en éducation au Québec, une politique élaborée sans partisanerie politique et proposée par la société civile avec l’appui de tout le milieu. […] Enfin, dans les travaux récents, on s’aperçoit que la distance au cégep le plus proche est aussi un facteur de diplomation au secondaire. Quand les élèves savent qu’il y a un cégep près de chez eux, ça les encourage à poursuivre leurs études. C’est une preuve de plus, s’il en fallait une, qu’il faut absolument que notre réseau des cégeps soit maintenu. [Il] faut travailler sur la formation continue des professeurs parce que les connaissances avancent rapidement. Il faut absolument permettre aux professeurs de se renouveler pour pouvoir innover, ce qui suppose des mécanismes avec du financement. Il faudrait également favoriser le mentorat pour les professeurs du primaire jusqu’à l’université. […] Beaucoup de jeunes professeurs découvrent la complexité des conditions de vie des élèves quand ils arrivent sur le marché du travail, et là, il y a un choc culturel.»

La septième entrevue est réalisée avec Mathieu Côté-Desjardins, ancien enseignant au primaire. L’article est intilulé «L’éducation comme un moteur de société». En voici quelques extraits :

«[Il faut] démontrer simplement et efficacement la mystification qui s’est faite par le ministère de « la déséducation » depuis les dernières décennies. […] J’engagerais l’ancien professeur Pierre Demers, qui est l’auteur d’une série en quatre tomes sur l’éducation humanisante. Il propose d’utiliser l’éducation comme un moteur de société. Il explique comment bâtir du sens nous ramène à la racine de ce qu’est « éduquer » pour avoir un impact autant dans la famille que dans la société. Il faudrait en outre complètement revoir la formation des maîtres. […] Peu importe la quantité d’argent lancée au problème, tant qu’on ne retourne pas à la racine de ce qu’est « éduquer », on ne peut rien vraiment accomplir qui vaille quelconque mention. Je parle, par exemple, de retrouver une sensibilité pour l’enfance, sur ce que cela signifie pour la vie et l’importance de la vivre pleinement, de préserver à tout prix la capacité d’émerveillement des enfants, de donner tout l’oxygène nécessaire à la créativité et à l’imaginaire des jeunes, ou encore de cesser ce génocide de « génies » dans les écoles, etc. […] D’abord, un système de sélection sur la base de notes scolaires ne devrait même pas être considéré, ni même être perçu comme novateur. Au contraire, il s’agit d’un moyen on ne peut plus obsolète, tout comme son diplôme qui suivra, ce qui laisse passer entre ses mailles beaucoup… beaucoup trop d’individus n’étant point dignes d’être en contact avec des jeunes. […] De plus, il faut s’assurer que le système favorise les « maîtres » ayant un grand sens critique, tout en ayant une d’ouverture d’esprit considérable. Ces deux axes sont primordiaux. Actuellement, le système scolaire nourrit, entretient et protège le contraire, et ce, à tous les niveaux.»

La dernière rencontre a lieu avec Lise Bisonnette, ancienne directrice du journal le Devoir et fondatrice de la Grande bibliothèque, dans un article intitulé «Pour arriver à une compréhension du monde», où l’on peut lire les extraits suivants :

«Nul ne devrait être admissible au titre de ministre de l’Éducation sans pouvoir, à huis clos et sans aide, exprimer sa conception de la lutte contre l’ignorance contemporaine. […] Nous avons ainsi obtenu, sans tableau blanc, une leçon magistrale pour ministre : l’éducation n’est pas un simple outil de développement économique et d’accès à l’emploi, elle devrait être une démarche pour arriver à une compréhension du monde, de son histoire, de son présent et de sa destination. Et nul ne devrait être admissible au titre de ministre de l’Éducation sans vouloir proposer ou imposer à son gouvernement l’obligation première de reconnaître formellement qu’on éduque pour éclairer, et non pour fournir du travail de cadre ou d’ouvrier dans une cimenterie soumise aux aléas du libre-échange avec les États-Unis. […] Quand on accepte la charge de gouverner, ce n’est pas pour faire arriver les trains à l’heure ou, en éducation, pour obtenir des résultats présentables aux tests internationaux. La raison d’être de l’État, c’est d’empêcher la loi du plus fort de régir la vie en société. Nous naissons tous égaux, certes, mais les inégalités s’installent dès notre premier souffle. Le système d’éducation est la première ligne de résistance à cette adversité, qui n’est pas une fatalité. […] La tâche de l’école n’est pas d’abord de multiplier les sorties en vue de former les futurs consommateurs de produits culturels, comme le réclame un milieu associatif affamé. Elle est de donner accès, d’offrir en propriété, les références culturelles, scientifiques, historiques qui permettront à chacun de penser sans recourir au téléphone. […] L’éducation devrait être la première dépense de l’État, la santé accapare tout faute d’éducation. Efficacement socialisés par le langage de la rigueur et de l’austérité, nous cherchons pourtant à éloigner de nous le calice de la dépense et, dociles, à nous prescrire de faire mieux sans avoir plus. En attendant un revirement improbable de l’ordre des priorités, il faut dénoncer les ravages scandaleux de la pingrerie durable.

Guy Rocher appelle à une profonde réforme en éducation

Le sociologue Guy Rocher, ex-membre de la commission Parent, réagit au rapport du Conseil supérieur de l’éducation. Dans une lettre ouverte publiée dans le quotidien Le Devoir, intitulée «Une profonde réforme s’impose en éducation», on peut lire :

«Le CSE est-il trop critique ? En demande-t-il trop ? Je ne le crois pas, au contraire, des enseignants se sont déjà engagés sur cette voie, et d’autres attendent qu’on les y invite. De toute façon, par définition, un virage pédagogique ne se fait pas sans les enseignants, encore moins contre eux. Il faut plutôt qu’ils soient associés à sa conception comme à sa réalisation. Ce sont plutôt des valeurs d’équité et de justice auxquelles il faut revenir, pour contrer un climat généralisé dans la société d’aujourd’hui de marchandisation et de consommation de l’éducation, comme tout le reste.»

M. Rocher conclut : «Il faudrait donc que de nombreux enseignants et beaucoup de parents aient en main cet important Rapport 2015-2016 du Conseil supérieur de l’éducation».